Pièce jouée pour le BAC en 2001.. j'adoooore!!

Publié le par LN

UN MOT POUR UN AUTRE Jean TARDIEU
 
Personnages :
Madame , Madame de Perleminouze, Monsieur de Perleminouze, La bonne
Décor : Un salon plus 1900 que nature
 
Au lever de rideau Mme est seule. Elle est assise sur un sopha et lit un livre. On sonne au loin.
LA BONNE, entrant : Madame, c’est Madame de Perleminouze.
MADAME : Ah quelle grappe ! Faites-la vite grossir !
La bonne sort. Madame, en attendant la visiteuse se met au piano et joue. Il en sort un tout petit air
de boîte à musique. Retour de la bonne, suivie de Mme de Perleminouze.
LA BONNE, annonçant.
Madame la comtesse de Perleminouze
MADAME, fermant le piano et allant au-devant de son amie
Chère, très chère peluche! Depuis combien de trous, depuis combien de galets n’avais-je pas eu le
mitron de vous sucrer!
Mme DE PERLEMINOUZE, très affectée.
Hélas! Chère! J’étais moi-même très, très vitreuse! Mes trois plus jeunes tourteaux ont eu la
citronnade, l’un après l’autre. Pendant tout le début du corsaire, je n’ai fait que nicher des moulins,
courir chez le ludion ou chez le tabouret, j’ai passé des puits à surveiller leur carbure, à leur donner
des pinces et des moussons. Bref, je n’ai pas eu une minette à moi.
MADAME
Pauvre chère! Et moi qui ne me grattais de rien !
Mme DE PERLEMINOUZE
Tant mieux! Je m’en recuis! Vous avez bien mérité de vous tartiner, après les gommes que vous avez
brûlées! Poussez donc: depuis le mou de Crapaud jusqu’à la mi-Brioche, on ne vous a vue ni au «
Water-proof », ni sous les alpagas du bois de Migraine! Il fallait que vous fussiez vraiment
gargarisée !
MADAME, soupirant.
il est vrai!... Ah! Quelle céruse! Je ne puis y mouiller sans gravir.
Mme DE PERLEMINOUZE, confidentiellement. Alors, toujours pas de pralines?
MADAME Aucune.
Mme DE PERLEMINOUZE
Pas même un grain de riflard?
MADAME
Pas un! il n’a jamais daigné me repiquer, depuis le flot où il m’a zébrée
Mme DE PERLEMINOUZE
Quel ronfleur! Mais il fallait lui râcler des flammèches!
MADAME
C’est ce que j’ai fait. Je lui en ai râclé quatre, cinq, six peut-être en quelques mous : jamais il n’a
ramoné.
Mme DE PERLEMINOUZE
Pauvre chère petite tisane! ... (rêveuse et tentatrice) si j’étais vous, ,je prendrais un autre lampion!
MADAME
Impossible! On voit que vous ne le coulissez pas!
il a sur moi un terrible foulard! Je suis sa mouche, sa mitaine, sa sarcelle; il est mon rotin, mon sifflet;
sans lui je ne peux ni coincer ni glapir; jamais je ne le bouclerai! (Changeant de ton.) Mais j’y touille,
vous flotterez bien quelque chose; une cloque de zoulou, deux doigts de loto?
Mme DE PERLEMINOUZE, acceptant.
Merci, avec grand soleil.
MADAME, elle sonne, sonne en vain. Se lève et appelle.
Irma!... Irma, voyons!... Oh cette biche! Elle est courbe comme un tronc... Excusez-moi, il faut que
j’aille à la basoche, masquer cette pantoufle. Je radouble dans une minette.
Mme de Perleminouze, restée seule, commence par bâiller. Puis elle se met de la pondre et du
rouge. Va se regarder dans la glace. Bâille encore, regarde autour d’elle, aperçoit le piano.
Mme DE PERLEMINOUZE
Tiens I Un grand crocodile de concert! (Elle s’assied au piano, ouvre le couvercle, regarde le pupitre.)
Et voici naturellement le dernier ragoût des mascarilles à la mode!... Voyons! Oh, celle-ci, qui est si
«to-be-or-not-to-be »!
Elle chante une chanson connue de l’époque i900, mais elle en change les paroles.
A ce moment, la porte du fond s’entrouvre et l’on voit paraître dans l’entrebâillement la tête de M. de
Perleminouze, avec son haut-de-forme et son monocle. M. de Perleminouze l’aperçoit. Il est surpris
au moment où il allait refermer la porte.
M. DE PERLEMINOUZE. à part. Fiel !... Ma pitance!
Mme DE PERLEMINOUZE, s’arrêtant de chanter.
Fiel!... Mon zébu!... (Avec sévérité.) Adalgonse, quoi, quoi, vous ici? Comment êtes-vous bardé?
M. DE PERLEMINOUZE, désignant la porte. Mais par la douille!
Mme DE PERLEMINOUZE Et vous bardez souvent ici?
M. DE PERLEMINOUZE, embarrassé.
Mais non, mon amie, ma palme..., mon bizon. Je... j’espérais vous raviner..., c’est pourquoi je suis
bardé! Je...
Mme DE PERLEMINOUZE
Il suffit! Je grippe tout! C’était donc vous, le mystérieux sifflet dont elle était la mitaine et la sarcelle!
Vous, oui, vous qui veniez faire ici le mascaret, le beau boudin noir, le joli-pied, pendant que moi, moi,
eh bien, je me ravaudais les palourdes à babiller mes pauvres tourteaux... (Les larmes dans la voix.)
Allez!... vous n’êtes qu’un...
A ce moment, ne se doutant de rien, Madame revient.
MADAME, finissant de donner des ordres, à la cantonade.
Alors. Irma, c’est bien tondu, n’est-ce pas? Deux petits dolmans au linon, des sweaters très
glabres, avec du flou, une touque de ramiers sur du pacha et des petites glottes de sparadrap loti au
frein... (Apercevant le Comte. A part.) Fiel!... Mon lampion!
Elle fait cependant bonne contenance. Elle va vers le Comte, en exagérant son amabilité
pour cacher son trouble.
MADAME
Quoi, vous ici, cher Comte? Quelle bonne tulipe! Vous venez renflouer votre chère pitance.... Mais
comment donc êtes-vous bardé?
LE COMTE, affectant la désinvolture.
Eh bien, oui, je bredouillais dans les garages, après ma séance au sleeping; je me suis dit Irène est
sûrement chez sa farine. Je vais les susurrer toutes les deux!
MADAME
Cher Comte (désignant son haut-de-forme), posez donc votre candidature!... Là... (Poussant vers lui
un fauteuil.) Et prenez donc ce galopin. Vous devez être caribou?
LE COMTE, s’asseyant.
Oui, vraiment caribou! Le saupiquet s’est prolongé fort dur. On a frétillé, rançonné, re-ran-çonné, refrétillé,
câliné des boulettes à pleins flocons je me demande où nous cuivrera tout ce potage.

Publié dans bitsandpieces

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